A project leads by Disabled Peoples' International

Joshua Malinga

Jean-Luc Simon & Joshua are sitting in their wheelchair with Yutta Fricke behind them with her arms linked.

Jean-Luc Simon & Yutta Fricke

with Joshua Malinga

UN Headquarter, New York, 2020

Joshua Malinga with Desmond Tutu,

DPI World Assembly, Sydney, Australia

3-9 December 1994

L'histoire de Joshua Malinga qui a commencé dans le Zimbabwe rural, le conduisit à la suite d'un accident d'un centre de réadaptation à Bulawayo jusqu'aux nombreuses conférences internationales qu'il anime maintenant. Il déploie les compétences qu'il a su tirer de sa propre expérience de vie avec une déficience pour enrichir les communautés auxquels il appartient : la ville, le pays, et le continent qu'il habite, la culture et les valeurs qui l'imprègnent, les minorités dont il partage les exclusions et la famille universelle de l'humanité qu'il honore en mettant son charisme au service des Droits de l'Homme.


Après avoir assuré la fonction de vice-président chargé du développement depuis la fondation de l'OMPH, Joshua Malinga en a assuré la Présidence de 1990 à 1994 et a été réélu à ce poste par l'Assemblé Mondiale de Mexico en décembre 1998. Il relève ainsi les défis posés l'OMPH, et qui visent à la construction une société du XXIe siècle capable d'inclure les personnes handicapées à son développement. Il insère maintenant ses politiques sur le handicap à des politiques d'urbanisme en tant que Maire de Dulawayo.


Le programme de développement de l'Organisation Mondiale des Personnes Handicapées a beaucoup évolué, et les apports de Joshua Malinga ont été décisifs pour l'orientation et l'évolution du programme international de cette organisation mondiale, notamment avec des stratégies de plus en plus orientées vers l'emploi.


Joshua Malinga a écrit le texte suivant en 1990 au moment de sa première élection comme président de l'OMPH.


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SOMMAIRE


‍    1. AVANT-PROPOS


‍    2. INTRODUCTION

‍        2.1. Un terme à définir : le mot développement

‍        2.2. Sur la voie de la définition

‍        2.3. Définition proposée


‍    3. LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT.

‍        3.1. La situation dans son ensemble

‍        3.2. L'oppression et la discrimination

‍        3.3. Les capacités des personnes handicapées

‍        3.4. Organisations

‍        3.5. L'autonomie

‍        3.6. La dépendance

‍        3.7. La formation

‍        3.8. La pauvreté


‍    4. STRATEGIE pour la mise en œuvre efficace et utile d'une politique de développement

‍        4.1. L'Organisation Mondiale des Personnes Handicapées: une structure pour le développement

‍        4.2. Formation en leadership ou formation au développement

‍        4.3. Le développement des organisations internationales


‍    5. CONCLUSION

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‍    1. AVANT-PROPOS


L'histoire de Joshua Malinga qui a commencé dans le Zimbabwe rural, le conduisit à la suite d'un accident d'un centre de réadaptation à Bulawayo jusqu'aux nombreuses conférences internationales qu'il anime maintenant. Il déploie les compétences qu'il a su tirer de sa propre expérience de vie avec une déficience pour enrichir les communautés auxquels il appartient : la ville, le pays, et le continent qu'il habite, la culture et les valeurs qui l'imprègnent, les minorités dont il partage les exclusions et la famille universelle de l'humanité qu'il honore en mettant son charisme au service des Droits de l'Homme.


Après avoir assuré la fonction de vice-président chargé du développement depuis la fondation de l'OMPH, Joshua Malinga en a assuré la Présidence de 1990 à 1994 et a été réélu à ce poste par l'Assemblé Mondiale de Mexico en décembre 1998. Il relève ainsi les défis posés l'OMPH, et qui visent à la construction une société du XXIe siècle capable d'inclure les personnes handicapées à son développement. Il insère maintenant ses politiques sur le handicap à des politiques d'urbanisme en tant que Maire de Dulawayo.


Le programme de développement de l'Organisation Mondiale des Personnes Handicapées a beaucoup évolué, et les apports de Joshua Malinga ont été décisifs pour l'orientation et l'évolution du programme international de cette organisation mondiale, notamment avec des stratégies de plus en plus orientées vers l'emploi.


Joshua Malinga a écrit ce texte en 1990 au moment de sa première élection comme président de l'OMPH.


‍    2. INTRODUCTION


L'Organisation Mondiale des Personnes Handicapées (OMPH) en est maintenant à la deuxième étape de ses activités. La position qu'occupent les nouveaux membres du bureau va leur donner l'occasion de réfléchir aux actions menées par l'ancien conseil mondial, et de rectifier les erreurs du passé au besoin. Afin de consolider la confiance que la communauté internationale accorde déjà à l'OMPH, le conseil en exercice aura à prendre un certain nombre de mesures nouvelles pour la recherche de fonds et les relations publiques. J'espère qu'il ne me sera pas demandé de jouer un rôle fondamental dans ces activités. 


En tant que Membre du Bureau et Chargé du Développement, le Vice-Président a, en tant que tel, un rôle essentiel. À longue échéance, ce dernier aura une influence considérable sur la vie de millions de personnes handicapées, ainsi que sur la croissance et la continuité de l'Organisation Mondiale des Personnes Handicapées en tant qu'organisation.


‍        2.1. Un terme à définir - le mot développement


On ne mettra jamais assez l'accent sur l'importance d'une définition du mot "développement". En tant qu'architectes du développement de l'OMPH, il faut que le Vice-Président et les Présidents Régionaux s'entendent sur le sens du mot développement. Puisque nous avons à diriger du personnel, il faut que nous ayons une conception intelligible du développement que nous puissions transmettre, une vision qui permette d'élaborer des stratégies et de superviser leurs mises en œuvres. Il est indispensable que cette conception du développement puisse s'appliquer à chaque membre en particulier, aux organisations nationales et à l'Organisation Mondiale. Il faut que les dirigeants de l'OMH s'entendent parfaitement sur les sens du mot développement et sur ses divers contextes d'utilisation. Nous employons ce mot en parlant de privation, de pauvreté, de discrimination, de superstition, de peur et de condescendance. Nous ne devons pas avoir honte de nos désirs, mais demander, voir exiger les installations, les infrastructures et l'argent nécessaires afin que tous nos membres aient la possibilité de dominer les forces qui sont responsables de leur sous-développement, et pour qu'ils puissent participer pleinement à l'amélioration de leur situation.


‍        2.2. Développement : Dans la recherche d'une définition utilisable.


Ce texte n'étant pas un document scolaire telles que les définitions de l'UNESCO que je ne souhaite pas reprendre. Mon but est de rechercher et d'élaborer de façon précise une définition simple, pratique et globale, susceptible de décrire et de préserver les principes de la participation et de l'autonomie en mettant la personne au premier plan. Dans le contexte de l'OMPH, la définition doit mettre l'accent sur les compétences plutôt que sur les incapacités en n'occultant jamais le facteur humain.  Nous ne devons plus nous excuser d'être ce que nous sommes.


‍        2.3. Propositions de définition.


Le développement ne peut être perçu uniquement comme un processus dialectique mais comme un processus en mouvement. Dans certaines situations, le processus s'inverse et donne lieu au sous-développement. Dans d'autres cas, il progresse, et apporte des améliorations dans les conditions de vie.


Un état de sous-développement peut être reconnu à partir du moment où des personnes n'ont plus contrôle de leur propre vie.  En d'autres termes, lorsqu'il existe un état de dépendance.


Le développement peut aussi s'interpréter comme une libération. Une organisation pour le développement doit faire partie de ceux qui favorisent cette libération. Pour les personnes handicapées, il peut être question de se libérer de l'oppression collective et institutionnelle, comme il peut être question d'échapper à la faim et à la pauvreté.


Les personnes ne peuvent se libérer ou se développer par elles mêmes, que lorsqu'elles parviennent à identifier les agents de leur discrimination et les forces qui les contraignent au sous-développement.


Les définitions du développement adoptées par l'OMPH ne devraient pas considérer les pays et les styles de vie occidentaux comme étant "plus développés" que ceux des pays dits du Tiers monde. Dans les pays occidentaux, les personnes handicapées souffrent davantage de la discrimination et du sous-développement pour des raisons culturelles et institutionnelles.  Nous devons comprendre que le sous-développement et l'absence de participation sont présents partout et qu'ils produisent des symptômes différents dans différentes situations.


‍    3. LA POLITIOUE DE DEVELOPPEMENT.


L'Organisation Mondiale est une organisation internationale qui représente les personnes les plus sous-développées et les plus dépossédées du monde. Les personnes handicapées sont aussi les personnes les moins consultées. Les organisations de personnes handicapées se caractérisent par une grande fragmentation, elles ont des objectifs et des points de vue très différents sur leur propre situation. Certaines sont radicales et novatrices, alors que d'autres sont élitistes et centrés uniquement sur le handicap. Certaines s'orientent vers la prestation de services, alors que d'autres sont fondamentalement politiques et font appel à des professionnels pour certains services. Par conséquent, la politique de développement de l'OMPH doit pouvoir soutenir à la fois un groupe inter handicap de personnes handicapées en Afrique, et à la fois un groupe de personnes handicapées à la suite d'une maladie particulière en Amérique du Nord. D'une manière différente, ces deux groupes sont opprimés et très sous-développés.


‍        3.1. La situation générale.


L'OMPH n'est pas une organisation du handicap. Elle est tout d'abord une organisation de personnes qui font face à un problème commun - celui d'être handicapé d'une façon ou d'une autre par une incapacité quelle qu'elle soit. Leur statut de personne handicapée est accentué par l'attitude des institutions et du public; en d'autres mots, les attitudes du public sont la principale cause du sous-développement des personnes handicapées.


La politique de développement de l'OMPH doit donc s'attaquer aux situations dans une approche globale, et non de façon spécifique aux questions de l'invalidité. Par exemple, une personne handicapée devrait pouvoir disposer d'un fauteuil roulant. On pourrait interpréter l'institution de ce droit comme une libération et une innovation. Cependant, comme cette personne est gênée par des portes trop étroites et des escaliers, ses déplacements restent limités. En somme, cette personne demeure sous-développée. L'obtention d'un fauteuil roulant n'a pas solutionné le problème global.


Les personnes handicapées sont des êtres humains à part entière.  Il faut que l'OMPH et leurs organisations, doivent être préparées à tenir compte de la situation globale et encouragée à élaborer des stratégies de développement qui s'y attaquent Nous ne pouvons faire l'économie d'une recherche dans ce sens.


‍        3.2. L'oppression et la discrimination.


Notre politique de développement doit considérer les personnes handicapées comme les membres d'une minorité opprimée. Les personnes handicapées sont plus où moins opprimées d'une collectivité à l'autre, et certaines le sont plus que d'autres en fonction de leur déficience. Il faut donc que notre politique de développement s'attaque aux questions de la liberté individuelle, prioritairement celle des femmes handicapées, celle des personnes sourdes, des personnes handicapées mentales et celle des personnes dont les incapacités dérangent les personnes non-handicapées. L'attitude du grand public à l'égard des personnes handicapées est en effet reconnue comme le principal facteur qui affecte leur liberté et leur action citoyenne.


‍        3.3. Capacités.


L'OMPH n'est pas une organisation de réadaptation, elle ne s'intéresse pas au degré d'incapacité et ne centre pas son travail sur ses aspects négatifs. Nous ne devons plus avoir honte de nos déficiences, et notre politique de développement doit être positive. Nous ne voulons pas de demies mesures ou de programmes approximatifs, mais nous souhaitons des actions précises pour faire face à des situations concrètes. Notre politique doit mettre l'accent sur les capacités et, de même que l'élément humain, les considérer comme acquises.


‍        3.4. Organisations


Les organisations comme l'OMPH jouent un rôle essentiel dans l'épanouissement individuel des personnes handicapées. L'histoire a montré que les minorités ne peuvent se faire entendre que si leurs membres sont organisés à la base et parlent d'une même voix au sein d'organisations représentatives. Il est donc indispensable que la politique de l'OMPH fasse du développement des organisations membres sa principale priorité.


Qu'elles soient locales, régionales ou nationales, les organisations Membres doivent être incitées à analyser la situation globale et celle de leurs membres. Il est pour cela nécessaire qu'elles soient représentatives et expertes afin d'identifier les besoins, proposer des solutions et articuler celles-ci entre-elles. Leurs conceptions du développement, de la liberté et de l'action citoyenne doivent être suffisamment novatrices afin qu'on les considère, non pas comme des organisations caritatives faisant appel à la générosité, mais comme des organisations génératrices de richesses.


‍        3.5. La confiance en soi-même.


Il faut à nouveau ici mettre l'accent sur les capacités dans la mesure où celles-ci visent l'acquisition du maximum de confiance en soi même, et afin d'encourager l'expression de ces capacités, la politique de l'OMPH doit soutenir les projets et les programmes initiés par les personnes handicapées. Nous pouvons atteindre cet objectif avec différents moyens, et l'élaboration de projets individuels d'autonomisation peut être l'un de ceux-là. Les Gouvernements ne doivent pourtant pas considérer ces programmes comme un moyen d'échapper à leurs responsabilités.  Une organisation peut aider ses membres à devenir plus autonomes en les conseillant, par exemple sur la meilleure façon d'obtenir les allocations et les pensions auxquelles ils ont droit. Des actions peuvent être menées pour encourager les gouvernements à attribuer des fonds pour l'autonomie. Nous pouvons nous intégrer dans la société si nous avons les moyens d'y vivre.  Ce sont nos activités qui comptent et se sont elles qui font que la société nous accepte.


‍        3.6. La dépendance.


La dépendance est un symptôme de sous-développement. Quand une personne est dépendante, elle aussi contrainte dans sa liberté. S'il est vrai de dire que l'autonomie absolue ou la liberté totale ne peuvent être atteints, il n'en reste pas moins vrai que les personnes handicapées ont droit au même degré d'autonomie que celui dont jouissent les personnes non handicapées. Il faut donc que la politique de développement de l'OMPH favorise la Vie Autonome et fasse la promotion des actions et des programmes d'emploi qui soutiennent cette dynamique; en particulier lorsque ce sont des organisations de personnes handicapées qui en ont la charge. La politique de développement devrait, par exemple, faciliter le contrôle par les usagers des services d'aide à la mobilité. Nous devons penser sérieusement à ce qu'implique la prise en charge de la réadaptation, sa direction et la distribution des prestations de services.


La dépendance peut aussi être générée par des programmes bien intentionnés mais mal conçus. Un facteur de dépendance peut ainsi simplement se substituer à un autre. L'OMPH doit donc s'assurer que ses salariés chargés du développement, en devenant la seule source d'expertise ou de financement des Membres, ne se substituent aux personnes handicapées et ne génèrent de nouvelles situations de dépendances.


‍        3.7. La formation.


La formation est un domaine qu'il faut examiner attentivement. Qui forme qui ? Pour faire quoi ? Les séminaires de formation nous apportent-ils un tuteur pour mieux étayer notre développement, ou un bâton pour nous battre ? Des séminaires de formation à l'animation ont eu lieu sous la direction de l'OMPH pour encourager de nouveaux animateurs à prendre conscience de leurs potentiels. Ces séminaires ont-ils permis aux animateurs d'émerger et de faire des progrès ? Ou ont-ils incité les dirigeants à se retrancher derrière leur position de pouvoir en maintenant les membres en situation de dépendance permanente ? Je me rappelle que ce sont des soupçons de ce type qui ont amené les organisateurs du séminaire de Bulawayo à mettre l'accent sur le développement plutôt que la sur la formation pour servir l'objectif d'une libération. Sur le développement innovant, plutôt que sur la domination institutionnelle d'une minorité qui profite du fait qu'elle a la parole, comme ce fut le cas à Nassau. La politique de l'OMPH devrait encourager la participation des masses qui demeurent silencieuses, et il faut dans ce but que les dirigeants soient formés à l'art d'écouter avant de mettre en œuvre leur art de la parole. Les organisations ont besoins de moyens de communication avec leurs membres qui permettent la participation de ceux-ci au processus de prise de décisions. Il est probable que la formation traditionnelle des responsables associatifs convient au développement de certaines compétences fondamentales de base, mais les préoccupations des membres du conseil mondial qui parlent du besoin de "leadership fort" doivent peut-être être reconnues comme l'expression d'un désir de pouvoir dictatorial.


Si l'OMPH est une organisation centrée sur les personnes, il ne devrait pas être permis qu'un président de séance puisse donner l'ordre de se taire à un représentant dûment élu. La politique de la formation devrait donc mettre au point des moyens d'éduquer les membres à propos des principes de gestion par participation et par consensus, plutôt que de recourir à un décompte pseudo démocratique des bulletins de votes.  C'est ce type de leadership que nous, gens d'Afrique, voulons partager avec vous.


‍        3.8. La Pauvreté


Je souhaite solliciter des fonds pour augmenter le financement des grandes organisations de personnes handicapées et les projets d'autonomie personnelle qui luttent contre la pauvreté, plutôt que de distribuer des fonds aux organismes de services traditionnels. Je voudrais que ce principe soit à la base de toutes nos actions de recherche de financements. Les ressources de l'Organisation Mondiale ne sont pas abondantes, et nous aurons tous des décisions difficiles à prendre au niveau régional quant à l'attribution des fonds et pour le choix des actions prioritaires. Nous sommes aussi tous conscients que les membres de l'OMPH sont parmi les personnes les plus désavantagées du monde. Il revient donc à chacun d'entre nous de s'assurer que tous les membres de l'OMPH ont la capacité de combattre la pauvreté, et nous devons pour cela mettre en œuvre tous les moyens à notre disposition.


‍    4. Strategie : mise en oeuvre d'une politioue de developpement utile et efficace.


L'OMPH est fondamentalement une organisation politique. De ce point de vue, elle est unique en son genre. Elle diffère du tout au tout d'organisations comme Rehabilitation International ou de l'une ou l'autre des agences des Nations Unies. C'est l'organisme international qui fédère les organisations nationales de personnes handicapées. Il s'agit donc d'une organisation de personnes qui regroupe d'autres organisations de personnes. L'organisation interne de l'OMPH doit donc traduire ce fait. Il n'est inutile qu'une telle organisation de personnes développe une bureaucratie complexe avec divers bureaux et de services. Si tel était le cas, le contrôle de l'OMPH passerait inévitablement entre les mains du personnel de direction, comme c'est le cas des organisations traditionnelles de service. En tant qu'organisation politique, tous les membres de son personnel ont un statut de fonctionnaires et sont sous l'autorité des comités auxquels ils rendent compte de leur travail. Les organisations politiques et les mouvements de libération fonctionnent de cette façon. Les fonctionnaires sont également des membres d'un parti qui doivent tirer une satisfaction de leur travail, non pas parce qu'ils en sont les artisans, ce qu'à l'évidence ils ne sont pas, mais du fait de leur engagement. L'OMPH est sûrement plus ce type d'organisation politique que ne peuvent l'être les agences des Nations Unies ou Rehabilitation International.


Je suis heureux qu'à la réunion de Sacramento, le rôle des responsables de l'OMPH ait pu être précisé. Les Administrateurs doivent être actifs et jouer un rôle majeur dans les stratégies de recherche de fonds, dans la mise en œuvre et dans le contrôle des programmes. Les fonctionnaires, quant à eux, ont la tâche de procurer un soutien administratif au travail des administrateurs, et de mettre en œuvre les stratégies retenues pour réunir des fonds. Pour que les dirigeants de l'OMPH puissent vraiment porter la responsabilité de leurs actes et afin de mieux évaluer leur travail, les présidents régionaux doivent être en charge de cette fonction dans leurs régions.


‍        4.1. L'OMPH : Une structure pour le développement


Nous avons noté que l'OMPH est comparable à un mouvement de libération. Nous avons aussi noté que le développement et la libération sont intimement liés et ont un sens similaire. Ces constatations peuvent nous amener à conclure que l'OMPH est une organisation de développement. Sa fonction principale est d'encourager et de stimuler la libération et le développement de ses membres. L'OMPH n'est pas, ce doit être clair, une agence technique ou un organisme de financement. C'est une organisation fondée pour stimuler le développement de ses adhérents partout à travers le monde, et pour encourager les personnes handicapées à prendre en main leur propre vie.


Voilà où nous en sommes. Dans cette conjoncture, de quel type de structure de développement avons-nous besoin ? 


Nous devons sans aucun doute nous garder de créer des bureaucraties centralisées, comme nous devons évidemment éviter de créer des hiérarchies trop contraignantes au sein du personnel. Nous ne pouvons pas encourager le développement des organisations de la base en employant des cadres dirigeants qui seraient membres de la "jet set", avec costume cravate et attaché-case. Nous devons au contraire déléguer plus de responsabilités aux masses de la base et décentraliser. Au fond, nous répétons sans cesse et nous déclarons publiquement que nous sommes une organisation représentative des personnes, alors soyons sérieux et mettons en œuvre ce principe.


La maîtrise du développement doit rester aux mains de ceux qui en bénéficient. Voilà un principe fondamental et novateur du développement. Je peux vous fournir de nombreux exemples d'organisations africaines de personnes handicapées qui sont devenues dépendantes parce qu'elles ont accepté les fonds d'une soi-disant "agence de développement". Ces organisations finissent par être gérées par des personnes non handicapées étrangères à leur culture. Nous ne devons pas permettre que l'OMPH puisse devenir une agence extérieure supplémentaire qui impose ses conditions à ses «clients».


Dans ce contexte, je propose donc que les conseils régionaux et sous régionaux de l'OMPH soient responsables de leur propre personnel.  Ils doivent pouvoir embaucher le personnel de leur choix.  Cette pratique se trouve déjà mise en œuvre de diverses façons, mais il reste encore des imperfections structurelles qui devront être corrigées.


‍        4.2. La formation des responsables associatifs ou la formation au développement


Le type de formation est un domaine qui me donne du souci. J'en ai déjà parlé dans la section sur la formation. Je m'interrogeais déjà sur les implications de l'expression "formation à l'animation d'un réseau" (Leadership Training) avant même de lire les écrits de Paulo Freire.  Depuis leur lecture, ce sujet me préoccupe encore davantage.


Je pense que nos séminaires de formation devraient chercher à introduire une rupture avec la perspective étroite d'un centrage sur la "formation à l'animation de réseaux", et qu'ils devraient tenir compte de questions plus larges pour amener les participants à comprendre les notions de développement, de libération, de dépendance … etc.  Les sujets pratiques et directement utilisables devraient être développés, comme suit :


‍    • La constitution d'organisations véritablement représentatives, les modes d'animation,

‍    • L'identité de nos organisations et leurs alliances possibles, 

‍    • La communication avec les adhérents et les campagnes d'adhésion, 

‍    • La planification à court, moyen et long terme, 

‍    • Les programmes de développement urbains et ruraux,

‍    • Les méthodes de recherche de financements propres.


Il faut, évidemment, que le contenu des séminaires puisse répondre aux besoins des organisations de la région et des sous-régions, mais aussi que leur contenu et leur niveau soient fondés sans ambiguïté sur le développement en transmettant les outils d'une plus grande liberté. Nous devons consacrer du temps à l'élaboration de la politique de développement de l'OMPH, et je serais heureux d'y contribuer ou de proposer des personnes ressources dans ce but. 


C'est un domaine que je connais et nous devons consacrer du temps à ce débat, car la compréhension ne vient pas des sermons, elle naît de la pratique des débats.


‍        4.3. Le développement des organisations nationales


Tout se déroule, ou du moins tout devrait se dérouler, au niveau des organisations nationales de personnes handicapées Membres de l'OMPH. Ces dernières sont composées de différentes commissions, sections, branches, parfois de comités régionaux, départementaux et nationaux, mais ce sont les individus qui en forment la base qui comptent le plus. C'est chez eux que l'on trouve les militants actifs, ce sont eux qui ont les plus grandes difficultés de déplacement à surmonter pour se réunir ou organiser des campagnes d'information. Ce sont eux qui sont discriminés lorsqu'ils souhaitent se lancer dans un projet d'autonomie personnelle. Autant d'activités qui jouent un rôle essentiel dans l'épanouissement individuel. Il est dans mon projet d'examiner attentivement les meilleures façons de soutenir le développement de ces organisations nationales afin de leur permettre d'accéder à un fonctionnement plus innovant et résolument tourné vers l'avenir.


Le succès d'une organisation dépend du degré de développement qu'elle peut déléguer à ses membres. Une organisation nationale très développée peut bénéficier d'un personnel nombreux, d'une bureaucratie complexe et de nombreux véhicules, tout en laissant la majorité de ses membres dans l'ignorance, l'irresponsabilité, le sous-développement et l'oppression.


L'expérience nous a montré que l'attribution de subventions modestes à des organisations nationales nouvelles est un moyen efficace pour soutenir leur développement, car de tels aides permettent l'embauche d'un ou de deux militants ou d'une secrétaire administrative. Ces premiers salariés peuvent faire beaucoup pour mettre en œuvre un programme national de développement. Cette théorie est passée par l'épreuve de la pratique. Comme vous êtes nombreux à le savoir, c'est de cette façon que nous avons débuté au Zimbabwe quand nous étions encore sous le joug du colonialisme.


L'expérience témoigne qu'au niveau de la base, il est souvent utile aux personnes handicapées de participer à des programmes pour l'emploi et à des projets de vie autonome, et que celles-ci profitent des changements que ces projets suscitent dans l'attitude de la collectivité à leur égard. Ces changements positifs sont le résultat du travail qu'une organisation nationale forte, par la mise en œuvre de programmes fonctionnels et de campagnes d'éducation du public efficaces, afin que les besoins de ses membres puissent être couverts en milieu rural comme en milieu urbain.


‍    5. CONCLUSION


Les objectifs d'un développement durable, de la participation et de la libération devraient se retrouver au cœur des activités de l'OMPH, et les membres de la base doivent être le centre vers lequel tendent tous nos efforts de développement. Par conséquent, j'espère qu'il n'existe pas de conspiration fomentée par certains membres des pays occidentaux dits développés qui voudraient transformer l'OMPH en une organisation internationale prestigieuse de plus, une ONG qui serait empêtrée dans la bureaucratie qu'elle a créée et dirigée par des conservateurs.  Nous avons tous à faire face aux tentations, et il est très facile de devenir un conservateur notoire quand on arrive aux réunions en Boeing 747.


La politique du développement de l'OMPH doit clairement mettre les plus pauvres au premier plan, et ce à tous les égards. Ceci doit être clair et quantifiable : les personnes les plus pauvres doivent pouvoir assister aux séminaires de perfectionnement. Par conséquent, il faut que l'OMPH soit capable de fournir les services d'interprétariat en langues locales afin que ces personnes puissent vraiment participer.


En tant qu'organisation internationale regroupant et représentant les personnes les plus pauvres et les plus déshéritées du monde, l'OMPH doit se doter d'une structure et d'une organisation qui traduisent ce fait dans ses choix politiques, ses stratégies et son combat.



Joshua Malinga

Président de l'OMPH

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